Article publié le
19/9/2022
Enjeux

Les travailleurs étrangers temporaires, un cheap labor ?

Nous n’avons qu’à regarder dans les champs pour nous rendre compte que la majorité des travailleurs agricoles ne sont pas Québécois. Depuis plusieurs années, les travailleurs étrangers temporaires sont de plus en plus nombreux à venir pour aider à compenser le manque de main-d’œuvre en agriculture.

En réalité, ce sont autour de 5000 entreprises qui font la demande pour des travailleurs étrangers temporaires au Québec, ce qui représente près de 30 000 travailleurs étrangers l’an dernier.

Et où vont-ils principalement ? Près du deux tiers sont envoyés en renfort dans le domaine agricole. Mais est-ce réellement un cheap labor comme plusieurs le pensent ?

Selon Charles-Henri De Coussergues du vignoble L’Orpailleur à Dunham, les salaires des travailleurs étrangers équivalent à environ 21 $ de l’heure, en comptant l’hébergement, les repas, les transports, etc.

 « La plupart des gens pensent qu’on engage des travailleurs étrangers parce que nous pouvons les payer moins cher, mais en fait si on compte toutes les dépenses liées, ce n’est pas une économie comparativement à un travailleur d’ici. C’est simplement qu’on n’a pas le choix de faire appel à eux : il n’y a plus personne qui veut travailler dans les champs au Québec ! », toujours selon M. De Coussergues.

La solution à la pénurie de main-d’œuvre

Selon l’agriculteur, les travailleurs étrangers sont une véritable bénédiction : « Les employés temporaires étrangers ont été LA solution pour régler notre problème de manque de personnel. Il s’agit d’une main-d’œuvre extraordinaire : ils sont fiables, très travaillants et consciencieux ! ».

Depuis dix ans, l’entreprise emploie des travailleurs étrangers chaque été. L’Orpailleur partage l’occupation de ses travailleurs avec un verger pas très loin, dont les récoltes ne sont pas au même moment. Toujours selon M. De Coussergues, «c’est un arrangement parfait pour nos entreprises ! Ça permet d’occuper ces employés qui ne demandent qu’à travailler le plus possible».

Évidemment, les horaires et les salaires de ces travailleurs sont régis et ils ne peuvent faire plus d’un certain nombre d’heures par semaine, pour ne pas les épuiser. Même si certains travailleurs aimeraient aller donner des coups de main ponctuels à d’autres agriculteurs, ils ne peuvent pas aller où ils le souhaitent, comme les agriculteurs doivent absolument avoir un permis rattaché à l’entreprise pour les faire travailler sur leur terre.

Partager les employés, est-ce toujours possible ?

Patricia Maurice, de la ferme Cavendale à Bedford, voulait quant à elle avoir un coup de main de travailleurs étrangers dans ses champs pour ses cultures de légumes, mais elle n’avait pas assez de travail pour faire venir des employés tout l’été seulement sur ses champs. Elle a donc décidé de s’associer à un agriculteur de la région pour s’échanger les travailleurs selon leurs besoins. «Nous n’avions besoin de travailleurs qu’une journée ou deux par semaine. Nous ne pouvions donc pas faire venir des travailleurs pour nos champs seulement.»

Le partage est une bonne idée techniquement, par contre les journées où la météo est clémente sont les mêmes pour tous. « Comme nous voulions tous travailler les journées de beau temps, nous avions besoin en même temps des travailleurs étrangers. (…) Les récoltes aussi arrivent à la même période, alors le partage n’est peut-être pas la solution. », toujours selon M. Maurice. Elle a d’ailleurs perdu une bonne partie de sa récolte de légumes l’an dernier, dû au manque de main-d’œuvre.

Dans son cas, le partage de main-d’œuvre a été décevant et elle a décidé d’abandonner ses récoltes de légumes l’année d’après et elle se concentre davantage sur l’ail noir, le produit phare de ses champs, qu’elle peut gérer sans l’apport de travailleurs supplémentaires.

Une belle main-d’œuvre, mais de la lourdeur administrative

Le tout semble aller rondement pour les agriculteurs qui font la demande depuis plusieurs années, mais le processus n’est pas simple pour un débutant.

En plus des formulaires à remplir, il y a plusieurs conditions pour que l’agriculteur puisse être jugé « apte » à accueillir des travailleurs étrangers temporaires. Et quand ce n’est pas le gouvernement qui met des bâtons dans les roues, c’est parfois aussi les municipalités.

Par exemple, Michel Sauriol de la Ferme D&M Sauriol a fait les manchettes en 2020, puisque la Ville de Laval a déclaré l’agriculteur en infraction comme il n’aurait pas attendu que la Commission de Protection du Territoire Agricole du Québec statue sur sa demande de construction.

Pourquoi ne pas avoir attendu ? Parce que les travailleurs arrivaient ! Il fallait bien que l’agriculteur puisse les loger quelque part ! Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de bévues administratives auxquelles se butent les agriculteurs.

Pour avoir plus d’information sur le cas Michel Sauriol : « LA DÉCISION DE LA CPTAQ NE VENAIT PAS ON A BÂTI QUAND MÊME UNE MAISON POUR NOS TRAVAILLEURS » (agroquebec.quebec)

Nouveaux ateliers informatifs mis en place par le gouvernement

Comment les loger ? Les nourrir ? Assurer leur transport ? Combien les payer ? Plusieurs questions peuvent se poser pour un agriculteur lorsqu’il décide de faire venir des employés étrangers. Heureusement, certains organismes sont là pour les aider. Mais certains secteurs restent flous…

Comme nous en avons été témoins dans les dernières années, il y a parfois des abus dans la demande de travail. La salubrité des logements pour les travailleurs étrangers peut également être problématique. Le gouvernement a donc mis en place des ateliers pour informer les travailleurs étrangers de leurs droits et devoirs. Mais aussi pour mieux informer les employeurs de leurs devoirs et responsabilités.

Ces nouveaux ateliers seront dispensés directement sur le lieu de travail, permettant ainsi aux formateurs de constater en personne l’état des lieux et les conditions de travail de ces étrangers.

Une chose est certaine, les travailleurs étrangers temporaires sont essentiels pour aider à la pénurie de main-d’œuvre. Il est donc tout à notre avantage qu’ils apprécient leur séjour au Québec. Et qu’ils reviennent l’année suivante, et les autres après !

Pour plus d’infos : Les droits des travailleurs étrangers temporaires seront mieux protégés au Québec | Radio-Canada.ca

Programmes gouvernementaux pour avoir plus d’informations sur les conditions pour engager un travailleur étranger temporaire :

Programme des travailleurs étrangers temporaires - Canada.ca

Programme des travailleurs étrangers temporaires | Gouvernement du Québec (quebec.ca)

Catherine Parke vous embarque à la découverte des projets régionaux inspirants et vous fait découvrir les enjeux réels qui se cachent derrières nos aliments.